Conférence Internationale Impact

L’impact des innovations technologiques sur la théorie etl’historiographie du cinéma
Cinémathèque Québécoise
Organisateur(s): 
Gaudreault, André

On l’a souvent répété : avant d’être un art, avant d’être une industrie, le cinéma était d’abord une technologie. À ses débuts, d’ailleurs, l’appareil de prises de vues intriguait tout autant que l’illusion qu’il parvenait à recréer. La fascination initiale portée à l’endroit du mécanisme cinématographique, si elle s’estompe rapidement, resurgit régulièrement suite à l’apparition d’une nouvelle technologie qui vient modifier la façon de produire, de distribuer ou de présenter des films, voire même, de façon plus fondamentale encore, de concevoir le cinéma. Depuis une trentaine d’années, plusieurs recherches ont décrit le développement et les conséquences socioéconomiques des nouvelles technologies qui, année après année, façonnent et redéfinissent ce qu’est le cinéma. Mais quelle est exactement l’importance de ces appareils et dispositifs en tout genre pour la théorie et l’histoire du cinéma? Ont-ils contribué à ouvrir de nouvelles voies de réflexion et de nouvelles méthodologies ou à abattre certaines idées reçues dans le milieu des études cinématographiques? Ce colloque cherche précisément à questionner l’impact des innovations technologiques dans l’évolution du discours critique et historiographique sur le cinéma.

L’omniprésence du « technologique » au sein de l’histoire et de la théorie du cinéma nécessite que l’on s’y penche plus avant. L’objectif de ce colloque est précisément d’évaluer la portée réelle de l’innovation technologique dans l’élaboration d’un discours critique en études cinématographiques. Plus particulièrement, il cherche à commenter l’impact occasionné par l’introduction de nouvelles technologies sur la théorie et l’historiographie du cinéma, c’est-à-dire sur la manière dont ces technologies ont pu modifier notre conception du cinéma, de ses propriétés fondamentales, de ses usages potentiels. On connaît tous les « quatre moments légendaires » de l’histoire technologique du cinéma évoqués par Peter Wollen – l’invention du Cinématographe Lumière, l’arrivée du son, celle de la couleur, et enfin l’introduction des formats « widescreen » – mais comment au juste ont-ils façonné le discours des théoriciens, historiens et autres critiques du cinéma? Et qu’en est-il des autres innovations, moins connues ou oubliées, qui surgissent à divers moments de son histoire? On ne pourrait, du reste, négliger de nos jours l’arrivée des technologies numériques et des CGI (computer generated images), dont les innombrables applications cinématographiques ont occasionné des bouleversements majeurs pour la réflexion sur le cinéma, bouleversements dont on ne mesure pas encore toute la portée. L’histoire de la théorie du cinéma est ponctuée de réflexions qui, tributaires de ces bouleversements technologiques, parviennent à échapper aux positions extrêmes auxquelles on a souvent voulu résumer le débat (la technologie comme fléau ou comme panacée du monde moderne) et proposent un regard plus nuancé et stimulant sur les propriétés fondamentales de la cinématographie.
Il est grand temps de se questionner sur l’émergence et le développement de ces discours en les resituant dans leur contexte historique et en essayant d’en comprendre l’origine et la portée. Plusieurs grandes questions sont au cœur de la problématique proposée par ce colloque. Des notions aussi fondamentales que le réalisme, l’authenticité ou la représentation, par exemple, sont irrémédiablement placées sous la bannière de la technologie, qui en affecte constamment les modalités intrinsèques. Aussi, faut-il se demander en quoi l’apparition d’une nouvelle technologie, tels que le CinemaScope, les tables de montage non linéaire ou les caméras numériques ultra-portables par exemple, parvient à proposer un nouveau regard critique sur l’objet film? Ou comment elle affecte de manière substantielle les positions d’un théoricien particulier? D’une école de pensée particulière? Qu’en est-il des technologies appartenant à un espace médiatique connexe à celui du cinéma, comme la radio ou la télévision? Ont-elles entraîné une redéfinition du cinéma basée sur une singularisation du médium ou, au contraire, tendent-elles à en brouiller les frontières? Par ailleurs, est-ce que des technologies extérieures au processus immédiat de production filmique ont, elles aussi, contribué à complexifier le discours théorique? En effet, certains dispositifs techniques qui, à première vue, pourraient sembler étrangers à notre domaine (la microscopie, la locomotive, la machine à écrire, le téléphone etc.) permettent souvent de dresser un portrait épistémologique plus étoffé dans lequel inscrire le cinéma.
Il ne faudrait pas négliger, en outre, la façon dont la notion même de technologie a été redéfinie pour parfaire notre compréhension de nouveaux phénomènes historiques et esthétiques. Longtemps perçue comme étant le propre d’institutions de pouvoir (industrielles, politiques, coloniales, patriarcales), la technologie s’est vue réinvestie dans quantité d’œuvres et de discours, autorisant l’apparition de nouvelles formes de subjectivité et de représentation. Les chercheurs en cinéma doivent aussi se confronter à la technologie lorsqu’ils l’enseignent: projecteurs analytiques, VHS, vidéo disques et autres DVD sont autant de moyens technologiques d’accéder au film et qui, en salle de classe, sont « détournés » de leur visée commerciale à des fins académiques. Qui plus est, on trouve aujourd’hui des outils d’analyse assistée par ordinateur élaborés spécifiquement pour des fins académiques (Cinemetrics, Lignes de temps, etc.). Comment la technologie s’inscrit-elle dans la pratique de l’enseignement du cinéma? Comment la détermine-t-elle, comment est-elle déterminée par elle? Il en est de même pour l’archivage et la restauration de films : comment la technologie transforme-t-elle nos conceptions de ces pratiques? Le deuxième Séminaire permanent sur l’histoire des théories du cinéma espère apporter à ces questions sinon des réponses, du moins des pistes de réflexion pour jeter un éclairage nouveau sur ce thème fédérateur.
 
Lire le compte rendu de la Conférence par Daniel Fairfax dans Cinéma Journal.
Lire le compte rendu de la conférence par Trond Lundemo dans Necsus.
 
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